Sarah Ihler-Meyer
Critique d'art et commissaire d'exposition indépendante
Presents
Filipe Afonso
Les monuments historiques ne flottent pas dans un éternel éther. Bien au contraire, ils sont toujours pris dans des contextes politiques et idéologiques, des relations de pouvoir et de domination, mais aussi des constructions mémorielles et identitaires collectives. Ce sont précisément ces objets patrimoniaux, soumis aux mouvements d’un monde globalisé toujours en proie aux inégalités, qu’interroge Filipe Afonso en réalisant des vidéos et des installations à partir de données et d’images puisées sur internet. Ainsi de l’installation Artifact as Refugee (2017). On observe tout d’abord une vidéo où se succèdent trois types d’images : des œuvres possédées par des musées occidentaux et réclamés en vain par leurs pays d’origine ; la destruction d’œuvres historiques par l’organisation terroriste Isis au Musée de Mossoul et le nouveau site de conservation du Musée du Louvre à Liévin où pourrait être accueilli le patrimoine menacé de disparition en Irak et en Syrie ; et enfin, une publicité filmée en Afrique pour des sacs Louis Vuitton suivie d’un défilé de la marque au Musée du Louvre. On trouve auprès de cette vidéo plusieurs objets : une fausse pochette Louis Vuitton, la reproduction de deux robes aperçues dans le défilé, quatre tee-shirts sérigraphiés d’une image extraite de ladite publicité, mais aussi un manteau en plastique transparent rempli d’eau qui contient un Ipad montrant le personnage Lara Croft du jeu vidéo Tomb Raider en archéologue. À travers l’ensemble de ces éléments se dévoilent une circulation des objets subordonnée à des rapports de force de néo-colonialisme, mais aussi la marchandisation du patrimoine sous forme de produits dérivés et par l’entremise de l’industrie du divertissement. Une circulation qui participe dans le même temps à la reconfiguration des héritages communs et des mythologies (trans)nationales.