Mickaël Roy
Critique d'art et curateur indépendant
Presents
Jingfang Hao & Lingjie Wang
Images d’un monde en lignes courbes.
Si l’acte de création s’envisage pour une part, depuis la pensée aristotélicienne de la mimésis, à la façon dont l’art imite la nature, il est des pratiques artistiques contemporaines qui, si elles ne visent plus à répondre systématiquement au principe de ressemblance établi entre le modèle et sa copie, se saisissent encore des activités de la nature, et à l’égard desquelles l’exercice de la figure représentée cède volontiers le pas à celui de l’abandon dela figuration par le biais de la mise en oeuvre d’expériences visuelles et sensorielles –de l’image comme du regard. Il en va ainsi des œuvres que conçoivent de concert Jingfang Hao et Lingjie Wang. Visant à se saisir du caractère éphémère et cyclique de certaines manifestations de la vie naturelle, les formes développées selon une dynamique de translation de phénomènes naturels en systèmes relevant de l’art se trouvent être pour certains de l’ordre de l’enregistrement et de la tra-duction d’un fait atmosphérique ou d’un principe physique. Qu’il s’agisse ainsi d’ « inviter le soleil à dessiner » à intervalles réguliers de sorte à constituer une collection d’images de plu-sieurs de ses courses journalières (Sun Drawing, 2012-2017), de faire apparaître ponctuelle-ment l’image instable et artificielle d’un arc-en-ciel dans un espace intérieur selon le point de vue qu’occupe le regardeur, jouant d’une situation de perception immatérielle et ce faisant ouvrant à l’imaginaire (Arc-en-ciel, 2013-2017), ou de décrire le tracé circulaire du parcours répété d’un point blanc tel un astre se déplaçant dans le périmètre d’une obscure surface ho-rizontale (Dans un univers où rien est immobile, 2015-2017), les processus, procédés et dispo-sitifs visuels qui en résultent s’attachent à donner forme, par l’usage de la représentation figée, évanescente, ou active de figures récurrentes de cercles et de demi-cercles, à des lignes devie témoignant du mouvement de leur apparition, caractéristiques dela nature métaphoriquement circulaire dela vie biologique. Toute en ligne courbe, par distinction à l’égard de la vie individuelle en ligne droite, elle est celle, en effet, d’un univers où les trajectoires serépètent etse recyclent –en somme, selon Hannah Arendt (Condition de l’homme moderne, 1958) d’un univers « où rien ne bouge, sice n’est en cercle ». www.wanglingjie.com